Christian
DELALANDE

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Biographie

L’atelier La Cage d’Escalier à La Riche, près de Tours m’a permis de réaliser mes premières expériences de gravure.

J’ai bénéficié d’une initiation à la reliure à l’Atelier de Reliure Tourangelle des Rives du Cher à Tours et des précieux conseils de Malica Lestang, relieuse à Tours.

J’ai suivi des cours de dessin auprès de Thierry Villain à l’Atelier des Sources à Tours, pratiqué le dessin à l’atelier des Peintres de la Choisille à La Membrolle sur Choisille et participe à l’atelier de dessin de l’ARAC à Saint-Cyr-sur-Loire.

 

Lors d’un stage organisé par Charlotte Massip au musée de l’Estampe de Gravelines, je découvre son travail qui porte sur «l’imagerie du corps». Ses gravures attirent l’attention, en les regardant de plus près il se produit un déplacement, une permutation voire une traversée. « J’essaie d’inviter à une question permanente sur la réalité visible et l’écart entre celle-ci et sa représentation » témoigne Charlotte Massip, ce qu’elle résume par une formule : « Le corps est autant matière que reflet ».

Charlotte Massip fait tomber le voile de la Vénus du Granach pour lui substituer une parure de dentelles. La transparence de la nouvelle pièce d’étoffe ne montre pas davantage, elle entretient l’énigme. L’image de la transparence fait d’autant plus écran à ce qui ne peut se voir qu’elle est présentée comme donnant le champ libre à la vision intégrale du corps. L’image qui montre la transparence est donc une image qui cache.

Les Disséqués de Charlotte Massip, c’est l’envers de l’image du corps. L’image d’un squelette plaqué sur le corps de la Vénus d’Urbin du Titien, un corps en quelque sorte radiographié aux rayons X, ne montre pas davantage que la peinture du Granach. Au fond, l’envers vaut l’endroit comme dans une torsion möbienne.

Charlotte Massip démontre ainsi que le voile, en cachant ce qui est sans image, donne consistance à tout autre chose. Le corps est une forme et l’organisme est un réel biologique avec ses organes et son squelette. Les formes du corps ne sont qu’une représentation, un voile qui cache l’être irreprésentable et qui ne peut se voir.

Tout ceci détermine un parcours ; le passage de la Vénus du Granach à la Vénus d’Urbin s’opère par le franchissement d’un plan. La surface lisse de la plaque de cuivre représente la surface de la peau. Les incisions de la plaque à la pointe sèche dessinent une nouvelle image. Ce dispositif s’organise pour attirer notre regard et cette traversée met la spectateur dans la boucle de la représentation.

L’élan qui anime le travail de Charlotte Massip a valeur de démonstration en acte. L’engagement de l’artiste supporte le paradoxe selon lequel il n’y a pas de transparence sans opacité. Elle convoque l’empreinte du visible pour repousser les limites de l’insaisissable.

 

Ce dont témoigne Isabelle Delamarre sur le site Manifestampe constitue la trace vivante d’une démarche singulière. Au fil du récit se déroulent les linéaments d’un parcours artistique. Cela rend compte d’un travail au long cours qui porte sur la composition de l’image et les traces de la mémoire. Depuis ses premières expériences professionnelles, la production des images est au cœur des questions qui l’animent. La richesse de son inspiration provient de sa vie professionnelle, familiale et sociale.

Isabelle Delamarre reprend à son compte la célèbre formule de César « Recommencer n’est pas refaire » mettant ainsi en évidence l’écart infime qui sépare ces deux termes. Ils ont en commun le même préfixe, qui exprime la répétition d’une action, soit dans sa reprise après une interruption, soit dans le renouvellement de l’action. Si nous souhaitons refaire une gravure, nous devons recommencer le processus, qui débute par l’encrage, se poursuit par l’essuyage et se termine par le tirage. Le recommencer implique la répétition d’une action bien précise, depuis son point de départ, jusqu’à l’étape finale. Le refaire vise plutôt la réalisation d’un résultat par la mise en œuvre d’un processus global, quitte à y parvenir par d’autres moyens.

Refaire et recommencer sont au fondement de la pratique du graveur. La technique de la gravure, comme celle de la lithographie ou de la sérigraphie s’opposent aux autres techniques artistiques par leur capacité à reproduire une image à l’identique. Tentatives vaines pour ce qui est de la technique de la gravure, puisqu’à chaque tirage, des variations quasi imperceptibles apparaissent. A viser le même, le graveur se confronte à la différence. Quelque chose s’est perdu de l’image d’origine.

La perspective s’inverse si nous situons l’image d’origine bien avant l’apparition du premier tirage et antérieurement au gravage de la plaque. Nous pourrions alors en déduire que les tirages successifs produits à partir d’une seule matrice se répètent à la place de l’image d’origine perdue. La reproduction des tirages à l’identique viendrait recouvrir la perte originelle d’une image définitivement disparue.

Ce qui pousse à la répétition, c’est que l’identique n’est jamais au rendez-vous. Nous recommençons au point de départ pour vérifier que cette fois-ci nous réussirons à produire du même. Le retour au point de départ, c’est le retour à la perte inaugurale, la répétition ne viserait qu’à récupérer cette part perdue.

Isabelle Delamarre démontre que recommencer et refaire ont partie liée avec le temps et l’effacement des souvenirs. Pour faire échec à cette disparition inéluctable, elle « réalise un voyage dans les souvenirs pour mieux les retenir ». Au recommencer et au refaire sont articulés le retenir. Ainsi, ce qui caractérise son activité de graveuse, c’est sa capacité à « réaliser la matérialisation d’une pensée pour tenter de retenir le temps ». Alors sentrouvre le processus de création et s’énonce la version de la réalité qu’elle compose.

(Publié avec l’aimable autorisation d’Isabelle Delamarre)

 

Que veut dire « regarder un film » ?

Guy Braun expose sa méthode dans un documentaire intitulé Cinématogravure. Il opère un arrêt sur image, sélectionne cette image, en réalise une estampe. Par un renversement de perspective, Guy Braun élève cette image à la hauteur d’une œuvre graphique. Chercheur obstiné de l’image unique et remarquable, Guy Braun est en quête permanente de l’objet rare et précieux.

Son regard découpe et détaille ce qui dans le film fait tache et qui pourrait paraître pour certains tout à fait incongru. Ce qui fait tache, c’est l’élément anachronique inassimilable à la belle harmonie de l’ensemble. L’intérêt porté au détail nous conduit au plus près du processus de représentation adopté par le metteur en scène. Au travail de création du metteur en scène répond alors le processus de perception du spectateur.

L’image sélectionnée n’a pas un rapport direct à l’intrigue, elle n’a pas vocation décorative, elle ancre le scénario dans un tableau, donnant ainsi réalité à l’intrigue. Ce procédé dévoile ce que les conditions réglées de la vision ont tendance à occulter, parce qu’on ne peut pas se souvenir d’un film dans les moindres détails. Du film, le spectateur ne retient habituellement que l’intrigue et le jeu des acteurs. Le spectateur rencontre donc une limite au « tout voir ». On se souvient d’autant mieux des images qu’elles sont portées par une fiction.

Or, cet effort qui contribue à donner une valeur aux images inaperçues rencontre le mouvement inverse qui consiste à écarter nombre d’images. Il y a ce qu’on ne voit pas dans les films, ces images furtives qui échappent au regard, il y a des séquences coupées au montage, des prises de vue volontairement écartées.

Le procédé isole et circonscrit une image insolite qui au demeurant reste énigmatique. Que fait cette image dans le film et pourquoi ne retenir que cette image ? La glaneuse sur la plage constitue un détail surprenant du film d’Henri Verneuil « Un singe en hiver ». En sélectionnant cette image, Guy Braun se fait lui-même glaneur sur la plage des images ignorées, oubliées, glaneur inaperçu au centre de la représentation du monde. En cela, il ouvre un chemin au progrès d’un savoir. Le film est un mirage, nous y projetons ce qui n’existe pas et nous ne voyons pas ce qui pourtant apparaît à l’écran.

Tout ce processus ne s’aperçoit que d’un changement de perspective. La méconnaissance soutient ce mirage, Guy Braun nous invite précisément à ne pas nous laisser prendre à l’illusion du mirage. Il met en lumière l’aveuglement du spectateur sur fond d’impensé du metteur en scène. L’impensé, c’est ce point secret d’évanouissement qui est le vrai point de perspective au-delà de l’image.

Un poème d’Anne Mounic apparaît en surimpression des images du documentaire.

Le premier vers « Les ombres égarées sur les parois vacillent » illustre parfaitement le Mythe de la Caverne de Platon. Il s’agit de prisonniers enchaînés dont le regard est assujetti à ne rien voir que le fond de la caverne. Une source lumineuse à l’entrée de la caverne projette l’ombre de marionnettes sur le fond de la caverne. Les marionnettes situées entre la source lumineuse et les prisonniers sont agitées par des montreurs de marionnettes. Les prisonniers prennent les ombres pour la réalité, Platon situant la cause de la représentation en pleine lumière.

Guy Braun nous invite à retourner au fond de la grotte pour y retrouver les « images obscures », l’ombre des amants, l’ombre d’un homme qui s’enfuit, l’ombre de la foule qui le poursuit. Il souligne ainsi la méprise des spectateurs qui prennent ce qu’ils voient pour la réalité, enchaînés qu’ils sont à l’intérieur de la salle de cinéma. Le sujet égaré, dans la salle obscure, cherche la trace de la représentation qui lui manque, celle qui le représenterait. Le spectateur, avide d’images, ne rencontre que la cause de son insatisfaction.

La qualité remarquable des gravures de Guy Braun ne doit pas nous faire oublier que son dispositif optique permet au spectateur de récupérer cette part perdue de lui-même, en quoi la perspective cinématographique a orienté, voire déformé notre vision. Les gravures de Guy Braun, légères et sautillantes s’élèvent dignement à la hauteur d’une écriture poétique. En isolant une seule image, Guy Braun traverse le film, le dépasse et en abolit le sens commun. Son savoir-faire, c’est de donner à voir le détail sans importance, ce rien qui nous fascine. Ce que nous voyons n’est pas ce que nous regardons, il faut donc composer avec l’invisible installé dans la vision.

Par ses arrêts sur image, il ré-invente le cinéma et fait entrer le mouvement dans l’image jusqu’à faire trace.

(Texte rédigé à l'issue d'une rencontre avec Guy Braun, qui en a accepté la publication)

Cage d'ombre
Damier célibataire
Escalier solitaire
Contre-nuit
Point de fuite
Ombre ou reflet
Ombre I
Ombre II
Pleine lumière
Grand géomètre
Ombre sur couloir
Ombre III
Ombre IV
Ombre V
Ombre VI
Anamorphose
Cité idéale

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